Un ouvrage de soutènement unique en son genre pour un nouveau bâtiment de l’EPF de Zurich

L’EPF de Zurich va se doter d’un nouveau bâtiment de recherche et de laboratoire dédié à la technique médicale. Ce nouveau bâtiment va être construit dans une excavation du talus de la Gloriastrasse à Zurich. Avant son implantation, il faudra donc construire une structure porteuse afin de stabiliser le talus sur 100 mètres de large. Les ingénieurs de chez Basler & Hofmann ont trouvé une solution élégante et encore inédite pour répondre aux contraintes.

Dans un bruit fracassant, une grue soulève une gigantesque plate-forme maintenue par l’une de ses extrémités. Sur celle-ci, une cage d’armatures aux dimensions démesurées: le colosse ne mesure pas moins de 25 mètres par 10. Malgré sa taille – ou justement à cause de cela – la cage est particulièrement fragile. Si la grue maintenait la cage en acier simplement par l’une de ses extrémités, elle plierait comme une vulgaire feuille de papier. Une fois la plate-forme orientée à 70 degrés, une grue à chenilles peut alors récupérer la charge pour la transporter dans les airs.

En cette matinée glaciale de décembre, ils sont des douzaines d’ouvriers et d’experts à suivre cette manœuvre délicate. Parmi eux, Cornelia Malecki, géotechnicienne chez Basler & Hofmann. Très enrhumée, elle n’arrête pas de se moucher et de tousser, mais elle n’avait nullement l’intention de rester chez elle. Pour rien au monde elle n’aurait manqué cette première sur le chantier du nouveau bâtiment de recherche de l’EPF, Gloriastrasse à Zurich. En effet, c’est aujourd’hui que le projet sur lequel travaille depuis cinq ans toute l’équipe rassemblée ici va enfin devenir réalité. Le premier des quatorze panneaux d’une paroi moulée d’un nouveau genre va être coulé dans le sol.

Avec ses 50 tonnes, elle se balance au bout du bras de la grue à chenilles. Elle doit être enfouie à l’autre extrémité du chantier dans l’étroite tranchée qui a déjà été creusée. La grue se met en mouvement dans un vacarme assourdissant. En ordre de marche, un groupe de chefs de chantier et d’ouvriers l’accompagne en observant l’opération d’un œil de lynx. C’est une première, personne n’a encore jamais travaillé avec une cage d’armatures de cette taille. La tension est donc à son comble. Un chef de chantier fait signe aux spectateurs – ingénieurs, concepteurs, photographes – qui suivent à quelques mètres de distance de rester davantage en retrait. «On voit rarement autant de badauds sur le chantier» crie Cornelia Malecki au milieu du bruit.

 

Quand la méthode traditionnelle ne suffit pas

Ce fort intérêt s’explique facilement: «Les parois moulées constituent l’ancrage d’une structure porteuse permettant de stabiliser le talus; c’est complètement inédit», confie Carlo Rabaiotti, chef d’équipe chez Basler & Hofmann. Le talus haut de 40 mètres sur une largeur de 100 mètres est encore sécurisé par un dispositif traditionnel. Carlo indique de la main l’imposante paroi de pieux qui longe la face nord-est du terrain à bâtir: «Les 500 ancrages qui fixent la paroi sont encore placés dans les masses de terre ou rocheuse situées derrière. Mais ce n’est qu’une solution provisoire», explique le géotechnicien. Les ancrages s’enfoncent loin à travers le sous-sol des parcelles voisines, limitant de ce fait leur constructibilité. C’est la raison pour laquelle une équipe d’ingénieurs de Basler & Hofmann a travaillé à l’élaboration d’une solution ne nécessitant aucun ancrage.

Une nouvelle mission pour les parois moulées

Le concept met en œuvre des parois moulées d’une manière tout à fait inédite. Sa particularité: six câbles de précontrainte gros comme le bras sont intégrés dans chacune des 14 parois moulées. Maintenant que la cage d’armatures est suspendue en position verticale au bout du bras de la grue, on les distingue parfaitement au milieu de l’armature. Bientôt ils traverseront un mur de soutènement en béton armé qu’ils relieront avec les parois moulées. Des parois transversales positionnées à angle droit – appelées murs de refend – viennent renforcer encore davantage la construction. Leurs fondations reposent sur les parois moulées. «L’ensemble de la structure porteuse est ainsi stabilisé horizontalement et verticalement sans ancrage», explique Cornelia Malecki. «Ce mode de construction permet de monter un mur en béton peu épais et élégant mais très résistant.»

Entre-temps, la grue a déjà positionné la première cage d’armatures juste au-dessus de la tranchée de 25 mètres de profondeur. Un chef de chantier fait signe au conducteur de la grue qu’il peut commencer à faire descendre lentement la construction métallique dans la tranchée. Pour des questions de statique, les cages d’armatures doivent être coulées en une seule pièce. Les ouvriers les tressent ensemble à pied d’œuvre sur la plateforme spécialement conçue à cet effet, sans quoi elles auraient été beaucoup trop imposantes pour pouvoir les transporter.

Une inspection minutieuse

Le grutier poursuit la descente de la cage métallique dans la tranchée, centimètre par centimètre. Deux experts en profitent pour poser des câbles à fibres optiques sur les barres en acier. Elles relieront bientôt la cage d’armatures à un dispositif de mesure qui enregistrera au micromètre près la façon dont les barres en acier se dilatent et se contractent dans l’ouvrage fini. Un moyen de vérifier à tout instant la manière dont le nouveau système se comporte. Le chef d’équipe Carlo Rabaiotti est nullement inquiet: «Nous avons conçu du solide!»

Maintenant que la cage d’armatures est totalement enfouie dans le sol, les ouvriers s’affairent à remplir la tranchée de béton. Les spectateurs se dispersent peu à peu. Cornelia Malecki et Carlo Rabaiotti retournent eux aussi au chaud. Le spectacle est terminé pour aujourd’hui. On reprendra le travail pour le deuxième élément de la paroi moulée la semaine prochaine.


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